Les régimes et moi, c'est une longue histoire.
J'ai fait le premier à l'âge de 15 ans. Je pesais 82 kilos pour 1m72.
Un jour, une copine m'a prêté le "Permis de maigrir". Il s'agissait de faire un régime de 1000 ou 1500 calories par jour, qui permettait de perdre respectivement 2 kilos ou 1 kilo 500 par semaine. Il y avait des tableaux des aliments où était indiqué le nombre de grammes de tel ou tel produit qui équivalait à 100 calories. Il suffisait alors de peser ses aliments pour se constituer un régime à la carte. Je ne me souviens plus si le bouquin faisait état de la proportion protides, lipides, glucides mais il me semble que oui. En tous cas j'avais déjà la notion de la viande ou poisson + légumes ou féculent + dessert. Je me souviens avoir testé le régime pendant deux semaines de vacances et être revenue au lycée avec 4 kilos en moins. Au fil des semaines, les kilos se perdaient deux par deux et j'ai même fini par ne plus peser les aliments, sachant ce qu'il fallait manger pour ne pas grossir. En aout 80, je me suis pesé. J'avais depuis longtemps abandonné le régime et j'étais persuadé que mes 62 kilos avaient augmenté. Etonnement sur la balance, je pesais 58,5 kilos alors que je plafonnais à 1m80 ! J'étais devenu plus que mince, maigre !!!!!!!
La suite est beaucoup plus floue tellement j'ai suivi de régimes. Je suis resté mince 10 ans. Puis je me suis rendu compte que j'avais pris du ventre et de la taille, alors j'ai opté pour les plats individuels allégés. J'ai pu ainsi perdre mes 6-7 kilos superflus. Je ne me pesais plus, je me fiais à mon pantalon de référence, une taille 38-40 qui devait ne pas me serrer.
En 91, je pesais 91 kilos. Je m'étais vraiment laissé aller à l'alcool, aux pizzas, et aux pâtes à la Planel (comprenne qui pourra). Bref je mangeais gras et beaucoup, je buvais du 40 degrés à outrance. Toujours désireux de plaire, j'ai décidé de tester un nouveau régime, la méthode Montignac. En gros, en très gros, l'ennemi c'était les pommes de terre et le pain, tout le reste était autorisé. Il me semble aussi qu'il ne fallait pas mélanger certains aliments. J'ai un peu oublié. Bref, j'ai testé ce nouveau régime viandes, légumes et fromages à volonté, et deux semaines plus tard je pesais toujours 91 kilos. J'ai donc décidé de revenir au régime traditionnel que j'avais pratiqué, peu de calories pour que le corps puise dans ses réserves, équilibre PGL (Protides, Glucides, Lipides) : en gros, j'ai acheté un cuit vapeur et cuisiné avec des légumes, du poisson, des steaks que je poêlais ensuite sans graisse. Résultat, après quelques semaines j'avais retrouvé mes 70 kilos et mon ventre plat.
Après, il faut passer à l'année 92 pour trouver un régime marquant. J'avais retrouvé la silhouette d'un bibendum en peu de temps, ayant repris mon alimentation riche en graisses et en sucre et ma forte et grandissante consommation d'alcool. J'avais acheté un livre du docteur Jacques Fricker dont je ne me souviens plus le titre et qui recensait les différents types de régime. Parmi eux, figurait la diète protéinée : il s'agissait de protéines en poudres, dosés à 80-85% à diluer dans de l'eau ou dans du lait. On consommait 1,5 gramme (si je me souviens bien) de protéine par kilo corporel. On ne mangeait que ça pendant deux mois maximum. Le corps, là aussi, puisait abondamment dans les réserves, privé de lipides et de glucides, ne conservant que les protéines ce qui permettait aux muscles de ne pas fondre avec la graisse. En complément, sur les conseils du Docteur Fricker, je prenais du potassium pour mes muscles. J'ai maigri à une vitesse phénoménale, d'autant que j'étais hyper motivé. L'image que j'avais en moi et que j'utilisais pour renforcer ma détermination, c'était la vision d'un bel antillais en short dans les rues de Saint-Denis. Je me disais que si je maigrissais, je pourrais me faire des mecs comme ça, des beaux, des bandants.
Je ne me souviens plus du nombre de kilos à perdre, mais c'était de l'ordre de 30-35 et je les ai perdus en environ six-huit semaines. Je ne mangeais que la poudre protéinée diluée dans du lait écrémé; j'ai du faire un écart une fois où j'ai mangé une demi tartelette. Je voulais plaire, je voulais être mince, j'y suis parvenu. Je suis passé du 48 au 38. Je précise que je n'ai jamais autant fumé qu'à ce moment-là. La cigarette a (sur moi en tous cas) des vertus coupe-faim indéniables, surtout associée à un bon café avec sucrettes.
Une fois mon objectif atteint, je me suis mis à sortir en boîte et à rencontrer des mecs par minitel : j'ai eu un beau succès. Comme à chaque fois que j'étais mince, je plaisais. L'important n'était pas de coucher, mais de séduire, c'était comme à chaque fois ma revanche de gros.
Puis s'enchaine ainsi une longue période de yoyo, gros, mince, gros mince, gros-régime-mince-grande bouffe-gros-régime-mince-etc …
En 2001-2002, quand je bossais en préfecture à un poste qui me plaisait, j'ai perdu 30 kilos en un an sans faire de régime particulier, en modifiant simplement mon alimentation, en ayant une vie réglée, active, épanouissante. Bien sûr je privilégiais toujours les salades et les légumes, viandes grillées et yaourts, mais je faisais des extras parfois, j'allais manger des pizzas. J'ai maigri naturellement, parce que c'était une période où je me sentais bien dans ma peau.
J'ai réussi ce concours et suis parti bosser à Paris en tant qu'assistant de formation informatique. C'était un nouveau ministère, le boulot était intéressant mais j'ai subi un harcèlement moral de la part d'un chefaillon. Je vivais dans le stress, je ne mangeais pas trop mais je buvais parfois, par tocades, le reste du temps mon ami Laurent m'hébergeait et comme je me sentais bien avec lui, ça limitait les dégâts de l'alcool et rendait supportable la présence du jeune con qui me dirigeait. J'ai continué à maigrir, en 2003 je pesais 74 kilos.
C'était une période où je combattais mon alcoolisme à coup d'antidépresseurs, Equanil pris par tablettes, Tranxène 50 avalé en excès, le tout pour supporter les conditions du boulot.
Puis est venu le pétage de plomb, les bouffées délirantes, la période violente où je devenais fou au sens premier du terme, où j'ai perdu Laurent, mon frère, mon ami, mon confident. Où je ne pensais même plus à aller travailler, j'avais oublié. La doctoresse de la médecine du travail est passée me voir et a constaté mes dégâts mentaux. Et mis en arrêt longue maladie pour 3 mois renouvelables. Je reviendrai sur cet épisode de ma vie, car c'est là que la psychose a vraiment commencé ou du moins s'est manifestée d'une manière évidente. Mais le sujet; c'est le régime.
J'ai pris 50 kg, dont 30 après le départ de Laurent et le début de la prise des Neuroleptiques, dix en rebuvant, 10 en essayant d'arrêter de fumer. Les premiers 30 kilos ont été pris en 3 mois. Les vingt autres sur un an.
Et me voilà depuis 2004, mastodonte, bonhomme Michelin, enflure enflée, monstre gargantuesque, alternant les périodes de régime non mené à terme et d'arrêt de la cigarette avorté au bout de quelques mois. Ou est-il le temps où je menais tous mes projets à terme ? Ce temps où ma volonté était intacte et acérée, résolue et implacable ?
Récemment encore, j'ai perdu 16 kilos environ, régime que j'ai consigné sur ce blog. J'ai arrêté d'un coup pour repartir en sens inverse, boulimie à tous les étages, faim permanente, rêve de bouffe, remontée à 112 kilos. Vous en trouverez des traces sur le blog où j'évoquais mes progrès début 2007, mon passage sous la barre des 100 kilos, mes progrès, tout à coup fauché par la déprime et l'absence de ma mère, la solitude complète et la faim qui compense.
Puis, le psy.
Puis, le diagnostic.
Enfin, la satisfaction de savoir qui je suis, de quoi je souffre.
Puis, la reprise du régime, pas vraiment un régime mais une modification de mon alimentation pour le restant de ma vie, sachant que je suis sous neuroleptique, ce qui fait grossir, sachant que je peux replonger dans la déprime et la boulimie et regrossir, mais …. Me faisant soigner, épauler… Je vais, je suppose apprendre peu à peu à gérer ma maladie et à atténuer les épisodes d'abattement où je me goinfre. Je suppose, peut-être, que je vais devenir un bipolaire stabilisé, à force de médicaments et de séances de psy. J'ai enfin intégré le fait que je ne PEUX PLUS manger une pizza en entier mais un quart, que je ne peux plus avaler un pot de NUTELLA de 750 grammes en une soirée parce que ça me fait regrossir, j'ai compris, et j'y ai mis le temps, qu'un régime ça se stabilise et ça s'entretient, que de nouvelles habitudes alimentaires ça s'acquiert et que des écarts gourmand, ça se gère et ça se rattrape.
Je ne bois plus depuis trois mois.
Je ne fume plus depuis 4 semaines.
J'ai perdu 10 kilos en 7 semaines.
Cette fois-ci, je veux que ça dure. Et si demain,(j'écris le dimanche 11 novembre 2007) je vois que j'ai repris du poids, je ne me décourage pas, je poursuis le régime, je gère les écarts, un ou deux par semaine, je continue, je continue mes combats et cette fois, soigné et apaisé, je suis sûr que je vais, dans quelques mois ou dans un an, retrouver mon poids de forme, sans fumer et sans boire.
Et si je me casse la gueule, je réagirai vite pour redresser le gouvernail. Je dois me retrouver, moi qui suis enfoui sous cette enveloppe charnelle trop grosse et trop bouffie, je dois m'en débarrasser pour me retrouver, entier, moi-même, et ce sera là aussi un chemin vers l'apaisement.
Grossir, maigrir, c'est aussi dans la tête, et je vais creuser de ce côté-là avec mon psy. Je me promets de me stabiliser, intérieurement et extérieurement. Le plus possible, le mieux possible. Je veux plus que maigrir, je veux un nouveau moi.
(extrait de mon blog)