J'peux pas vraiment dire que j'ai eu une enfance difficile, bien au contraire. J'ai la chance d'avoir des parents qui ont su me donner une éducation solide et de bonnes bases pour construire ma vie, sans oublier que j'ai grandi avec deux grands frères géniaux. Les seuls souvenirs que j'ai de cette époque sont faits de rires et de de bonheur. Après ça, c'est la chute, direction les enfers.
Arrivée au collège, je vois déjà que j'suis différente des autres. mes poignets d'amour qui passaient pour mignonnes à l'école primaire deviennent vite un fardeau. En plus de ça, je suis assez bonne élève et j'ai du mal à me faire des amis. Je ne suis pas sociable par nature, les autres élèves ne partagent pas les mêmes centres d'intérêts que moi. Je me sens relativement exclue, mais je ne le vis pas trop mal, me disant que ce n'est qu'un mauvais moment à passer.
L'année suivante, je décide de changer, je fais ma crise d'ado rebelle. J'me fait des copines qui se servent de moi. Je ne suis que leur faire-valoir mais je ne m'en rends pas compte, naïve que je suis. Elles m'utilisent, comme si je n'étais qu'un jouet, une peluche que l'on prend puis que l'on jette. Puis un jour j'ouvre les yeux et je fuis cette gloire dérisoire au profit de mon ancien moi, cette fille timide et solitaire. "Vivons heureux, vivons cachés", c'est ma devise. Je dissimule mon mal-être sous des vêtements trop amples et me terre dans un recoin de la cour. Je maudis les récréations et l'heure du repas. Quelques fois, les plus grands se moquent de moi. Je fais semblant de les ignorer et de me dire qu'ils ne valent rien. Mais en rentrant chez moi, je pleure. Toutes les larmes de mon corps, me maudissant d'être moi-même.
Pendant 4 ans, je ne suis qu'un fantôme au collège. Puis vient le pire moment de mon existence, le lycée. Je revois les mêmes gens, en plus grand et plus méchant. Je suis dans une classe de 35 filles, toutes plus minces les unes que les autres. Devant moi elles ne disent rien, mais j'entends leurs paroles acerbes quand j'ai le dos tourné. Je ne suis pas comme elles, belles et superficielles, alors je ne suis rien. Je rejoins un groupe d'amies, mais je suis toujours de côté. Mes histoires n'intéressent personne, on m'oublie sans arrêt.
Souvent dans les couloirs, j'entends des chuchotements, "regarde la grosse là-bas". Ils rient, pensant que je n'entend rien.
Pendant 3 ans, le même rituel. Je me lève pour passer des journées insipides auprès de gens qui me font souffrir, et chaque soir, je pleure seule dans mon lit, me demandant quand cela cessera enfin.
Le bac est passé, je ne veux plus jamais voir ces gens, ce lycée, cette vie qui me détruit. Je rentre en école d'infirmière, parce que selon ma mère, j'aurais un métier stable et sûr. Encore des filles, partout. Toujours les mêmes, méchantes et acerbes. La formation ne me plaît pas, le métier non plus. Je me rends compte que je suis en train de gâcher ma vie. Je tombe amoureuse, mais il me quitte au bout de deux mois en me traitant de grosse truie. Le soir même, en attendant le bus, j'entends des filles de 15 ans m'appeler la baleine depuis la rue d'en face. Cette fois-ci je suis à bout, je craque. A quoi bon rester dans une vie qui ne veut pas de moi ?
Assise dans ma chambre, pleurant encore une fois, je pense au suicide. Vivre pour souffrir, c'est inutile. Mais fort heureusement, je n'ai pas assez de courage pour aller jusqu'au bout. Cette fois-ci, je vais me battre pour de bon. Je vais leur montrer que je ne suis pas cette grosse insignifiante qu'ils semblent à tout prix vouloir voir en moi. J'entame un régime, seule. C'est dur, mais au bout de deux mois, je me sens mieux. Et puis je rencontre des gens, qui eux ne s'attachent pas aux apparences. Je me sens bien.
Quelques mois plus tard, j'arrête l'école d'infirmière; je sais que si je continue, ça n'ira plus. Au début ça se passe mal avec mes parents, mais ils finissent par accepter mes choix. Puis je rencontre un homme. Enfin, je le connaissais vaguement, mais j'apprends à le connaître, à apprécier sa compagnie. On passe du temps ensemble et on finit par tomber amoureux. Il me dit qu'il m'aime, me fait me sentir belle.
Aujourd'hui, je suis toujours avec lui (depuis 5 mois à peu près), je fais des études qui me plaisent et tout va beaucoup mieux, même si j'aimerais perdre encore un peu de poids.
Si j'ai raconté mon histoire, ce n'est clairement pas pour m'apitoyer sur mon sort ou pour qu'on me plaigne. Au contraire, je suis fière de pouvoir dire que j'ai réussi à m'en sortir et à aller mieux. Non, si j'écris ça, c'est seulement pour que celles qui ont vécu ou vivent la même situation que moi puissent se dire que l'espoir n'est pas perdu. Alors courage, mesdemoiselles, le plus beau est toujours à venir.